Mais qui a donc tué la Dreamcast ?

Aujourd’hui, on va parler d’un sujet qui en a attristé un paquet parmi vous : La mort de la Dreamcast. Je vais mener mon enquête (accroche toi Sherlock Holmes) pour lever le voile sur le « meurtrier de la Dreamcast ». Je me baserai évidemment sur des évènements qui ont bien eu lieu tout au long de la vie de la console, des balbutiements de son développement jusqu’à son assassinat. Oui oui, « assassinat », carrément.

Plantons le décor

La vie de la Dreamcast commença en 1996. Deux ans après la sortie japonaise de la PlayStation et de la Saturn, la même année sortait la Nintendo 64. La Saturn ? C’est simplement l’ancêtre de la Dreamcast qui a connu un succès plutôt mitigé avec un peu moins de 10 millions d’exemplaires écoulés dans le monde. De son côté, la Nintendo 64 réussit à passer la barre des 30 millions de consoles. Quant à la PlayStation… Eh bien, rouleau compresseur comme tout le monde le sait. Pour sa première tentative sur le marché des consoles, Sony a bien réussi son coup en écoulant près de 105 millions de consoles à travers le monde. Oui, dix fois plus que la Saturn. Ceci étant, toute personne qui suivait d’assez près le monde du jeu vidéo à l’époque (ou toute personne qui s’est informée après, comme moi. Je n’étais même pas né à la sortie de ces consoles au Japon !) se rappelle forcément de l’annonce choc du prix de la PlayStation. La Sega Saturn était proposée à 399$, et Sony annonça, à l’E3 1995 (oui, alors que la console était déjà disponible au Japon), un tarif de 299$. Ceci n’est pas sans rappeler ce coup massif sur la tête de Microsoft en 2013 à l’annonce du prix de la PS4, là aussi 100$ moins élevé en faveur de la PlayStation. Enfin bref, je divague (vague.)

La Dreamcast, genèse

La dernière console de Sega est née d’un différend plutôt violent entre Sega Japon et Sega America. Certains pontes de Sega (Principalement Sega Japon) souhaitent que leur entreprise devienne un éditeur de jeux à part entière, ceci avant même la sortie de la Saturn. D’autres soutiennent corps et âme le Sega constructeur (Principalement Sega America). Ces derniers parviennent à leurs fins, l’entreprise attaque donc le développement de sa nouvelle console, nom de code Dural. Enfin, « sa » nouvelle console, ou plutôt « ses » nouvelles consoles. En effet, les branches américaine (dont le produit est nommé Blackbelt) et japonaise (nom de code Katana) seront mises en concurrence frontale, et le prototype le plus convaincant sera gardé pour en faire le produit final. A l’époque, Sega étant dans une posture financière peu avantageuse, on peut se demander où ils ont trouvé le cash nécessaire pour produire deux consoles en parallèle ! Déjà qu’une seule console coûtait très cher à produire, alors deux… Bref, le modèle américain est le gagnant, c’est donc lui qui servira de base. Enfin, pas vraiment…

La Sega Saturn, dont la remplaçante est en compétition au sein de Sega.

La Dreamcast, développement

Comme dit plus haut, c’est le modèle américain qui est retenu par Sega comme étant la base de leur prochaine console. Elle est alors équipée d’un processeur PowerPC (conçu par IBM, entreprise américaine), un processeur graphique provenant de chez 3DFX (constructeur américain en vogue dans le monde PC, racheté par Nvidia en 2000.) L’OS est produit par Microsoft. L’ensemble était plus simple à programmer que le projet Katana. Cependant, au fil du développement, Sega Japon fait en sorte que peu à peu, la Blackbelt se rapproche de la Katana. Le CPU du projet Katana est alors conçu par le japonais Hitachi, et le GPU par NEC. NEC étant partenaire de Microsoft, la seule chose issue du projet Blackbelt est donc son système d’exploitation, Windows CE. On a alors l’impression que Sega Japon fait tout pour descendre le projet, et par dessus tout de faire de cet échec un échec américain, et pour faire payer Sega America d’avoir soutenu la création d’une nouvelle console. Pour rappel, Sega Japon était pour l’abandon du hardware.

La Dreamcast, officialisation et sortie

La Dreamcast est alors annoncée par Bernie Stollar (qui était pour la production de hardware) en mai 1998 et sort entre 1998 et 1999 selon les territoires. C’est deux ans avant la PlayStation 2, et c’est surtout avec beaucoup plus de jeux que la console de Sony. Beaucoup plus de jeux certes, mais aucun jeu EA. Effectivement, Sega avait plaqué 3DFX comme expliqué plus haut, ce qui a valu des retombées judiciaires à Sega. Or, EA étant actionnaire de 3DFX à l’époque, il était hors de question qu’Electronic Arts ne sorte de jeux sur la console de la marque qui a trahi l’entreprise de laquelle il est actionnaire (Cette phrase est juste parfaite, je n’ai pas compris ce que j’ai écrit.) Plus simplement, EA allait logiquement soutenir 3DFX en ne sortant aucun jeu sur la Dreamcast. La console est malgré cela un succès assez remarquable, Sega pourrait se féliciter d’avoir pris une certaine avance dans la bataille des chiffres de ventes.

Pendant ce temps, on commence à voir des rumeurs concernant Microsoft. Le géant américain pourrait faire son entrée sur le marché des consoles de salon. Attendez… Microsoft ? Celui qui produit l’OS de la Dreamcast ? Le partenaire de NEC ? Mmmmmmmh… Une console se développe en plusieurs années, surtout pour un nouvel entrant. (Cette remarque a une importance capitale pour la suite de l’histoire.)

Sony, quand à lui, sort sa PlayStation 2. Énorme succès, la PS2 profite grandement de l’intérêt suscité par sa grande sœur, si bien qu’elle ne sort qu’avec peu de jeux marquants mais explose les records de vente. Ce qui plombera plus ou moins les ventes de la Dreamcast malgré ses très bons titres.

Retour chez Sega : Bernie Stollar, responsable de Sega America est remercié et Peter Moore est nommé à sa place. C’est là que ça devient marrant. Peter Moore est contre le maintien du hardware. Je sais pas vous, mais moi, ça m’interpelle. Moore sabotera bien évidemment les campagnes pub de la Dreamcast. En clair, pas mal de mouvements en peu de temps.

La Dreamcast, décès

Le 31 janvier 2001, Sega annonce l’abandon pur et simple de sa console, et par extension de sa division hardware. L’arrêt de la production prendra effet le 30 mars 2001. Suite à cette annonce, quasi tous les développeurs et éditeurs de jeux pour cette console abandonnent évidemment leurs projets. De plus, le prix de la machine chute pour écouler les stocks. Du côté de la concurrence, à l’E3 de mai 2001, Microsoft annonce sa Xbox, et Nintendo dévoile sa Gamecube.

En 2003, Microsoft débauche Moore, il gèrera la division Entertainment de Microsoft. Cette division englobe bien évidemment la Xbox. Sous la présidence de Moore, les ventes de la Xbox se verront augmenter.

Mais qui a donc tué la Dreamcast ?

Le dernier « chapitre » de cette histoire reprend le titre de l’article. Suite à toutes ces histoires à rebondissement, j’ai comme intime conviction que le vrai assassin de la Dreamcast n’est pas Sony comme tout le monde s’aime à le dire. Evidemment, les ventes de la PS2 ont surpassé violemment celles de Sega et ça n’a pas aidé la Dreamcast, mais en quoi peut-on vraiment reprocher à une société de vendre ses produits ? Loin de moi l’idée de défendre l’entreprise nippone, certes Sony a investi lourdement en marketing, usé de son image de marque, ils ont profité clairement de l’engouement créé par la PlayStation première du nom. Mais après tout, tout cela n’est que du marketing, et ça ne peut être considéré à mon sens comme étant la seule raison du décès de la Dreamcast. Nintendo, de son côté, faisait son petit bonhomme de chemin, sans rien demander à personne. De plus, elle s’est pris aussi violemment que Sega le coup de pied dans la gueule la claque PlayStation, elle a d’ailleurs à l’époque eu beaucoup de mal à s’en remettre. Alors, qui reste t-il ? Microsoft ? Quoi, vous osez penser que j’accuse Microsoft ? Eh bien oui, j’accuse Microsoft d’avoir assassiné la Dreamcast. Plusieurs éléments concordent assez étonnamment :

  • Depuis le début, la Blackbelt était prévue pour tourner sous un OS Microsoft, Windows CE. Or, le délire de Sega Japon était d’avoir une console 100% japonaise. Elle en a donc changé tous les composants pour la rapprocher de plus en plus vers le projet Katana. Seul l’OS survivra. Vous n’êtes pas sans savoir que Microsoft n’est pas japonais. De plus, comme dit plus haut, Microsoft était un partenaire proche de NEC. Ce dernier a été choisi au dernier moment pour produire la puce graphique de la Dreamcast finale.
  • En 1998, Microsoft commence le développement de ce qui s’appelle encore DirectX-Box. Ceci commence en même temps que la sortie de la Dreamcast. Sans trop forcer, j’imagine que Microsoft avait été mis au courant des différends au sein de Sega, et il s’est alors imaginé que c’était le moment de préparer son arrivée sur le marché.
  • Sega abandonne la Dreamcast comme une vieille chaussette. Jamais elle ne cherchera de repreneur pour sa division hardware, mais aussi les joueurs qui ont acheté la console, ainsi que les employés en charge de la machine. Elle ne donnera jamais d’explication précise sur les raisons de l’abandon de cette machine, se cachant derrière les ventes faiblardes dues à l’arrivée de la PS2.
  • Microsoft commence à parler, à partir de fin 2000, de son arrivée sur le marché des consoles. L’arrêt de la commercialisation de la Dreamcast est annoncé début 2001, la Xbox est dévoilée mi-2001 pour une sortie fin 2001. Un emploi du temps pour le moins très bien ficelé.
  • En 2000, EA rachète Dreamworks Interactive, qui a été fondée en 1995 par DreamWorks SKG et… Microsoft. Pour rappel, jamais un jeu EA n’est sorti sur la Dreamcast.
  • En 2001, Peter Moore apparaît sur scène à l’occasion de la conférence d’annonce de la Xbox, pour parler des third party.
  • Peter Moore est débauché en 2003 par… Microsoft, pour prendre en main le pôle en charge de la Xbox. Le hasard faisant bien les choses, les ventes de Xbox sur le continent américain vivront positivement ce changement de dirigeant.
  • En 2003, Shenmue II sort sur Xbox aux États-Unis. Microsoft avait signé un deal avec Sega pour assurer la sortie de Shenmue aux US.
  • Sega avait prévu une carte PC permettant de rendre compatible ses jeux Dreamcast sur les PC. Cette carte a été annulée. La plus grande majorité des PCs tournant sous Windows, ceci aurait fait de l’ombre à la Xbox.

Il semble alors logique que Microsoft, ayant été au courant de ces différends, ait travaillé plus ou moins indirectement dans le sens de Sega Japon pour libérer une place au sein de la guerre des consoles, et ainsi lancer sa Xbox, presque en remplacement de la Dreamcast.

Enfin j’accuse Microsoft, mais pas seulement. Sega est bien évidemment le plus grand coupable dans cette histoire, mais je reste convaincu que Microsoft a eu une très grande implication dans cet arrêt brutal.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cet article. En effet, celui-ci m’a pris beaucoup plus de temps de préparation que les autres, car il m’a fallu aller chercher un maximum d’informations, les noter, les mettre en concordance, et essayer de faire tourner le tout pour en sortir quelque chose qui je l’espère, a été agréable à lire. De plus, c’est assez compliqué de faire quelque chose de concis, car je n’étais bien évidemment pas au courant de tout, je n’ai pas du tout connu l’époque de la Dreamcast. Il a donc fallu que je rattrape mon retard, ce qui m’a tout de même appris plein de choses intéressantes dans le domaine. J’ai réellement aimé préparer cette enquête, et il n’est pas impossible que ce genre d’articles obtienne une certaine régularité sur le blog, malgré le temps qu’il est nécessaire de prendre pour les faire. Si vous avez apprécié, n’hésitez pas à me le dire dans les commentaires, et à partager l’article autour de vous ! C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Vraiment.

NB : Je tiens à préciser que tout ce qui est écrit dans cet article ne concerne que mon avis personnel et n’engage que moi. Certains éléments sont peut-être seulement le fruit d’une pure coïncidence.

Cet article a été écrit suite au visionnage de cette vidéo, qui m’en a beaucoup appris sur l’histoire de la Dreamcast. Je ne saurais que vous conseiller de regarder leurs vidéos, elles sont bien montées et relatent des faits auxquels on ne pense pas forcément.

 

Comme indiqué plus haut, cet article fait partie des archives de mon ancien blog, datant de 2015.
Malheureusement, je n’avais pas sauvegardé les images à l’époque, je n’ai pas donc pu illustrer cet article comme l’original.
Le texte n’a pas été modifié, il est identique à celui que j’avais écrit il y a près de six ans.


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